Quoi de plus fascinant, de plus ensorcelant, que des volutes de fumée odorante qui s'élèvent vers le ciel ? L'offrande de l'encens crée le climat propice à l'élévation spirituelle.
Origine de l'encensDans la langue française, le mot encens est relativement tardif : il a été emprunté vers 1135 au latin ecclésiastique incensum, désignant une matière brûlée en sacrifice (participe passé neutre du verbe incendere = brûler, enflammer). Chez les Romains on l'appelait thymiama, un mot proche de thym, à rattacher à deux racines grecques : l'une, thuos évoque à la fois l'idée d'offrande et de parfum, d'aromate; l'autre, thuien, correspond à la notion de sacrifice (que l'on fait brûler). À l'origine, sans doute une racine indo-européenne °dhu- (= faire brûler).
D'après le dictionnaire l'étymologie de encens: Provenç. encens, ensens, ences, eces, esses ; catal. encens ; espagn. incienso ; portug. et ital. incenso ; du latin incensum, brûlé, de incendere, brûler.
Depuis l'antiquité la plus reculée, toutes les religions ont utilisé l'encens. D'ailleurs, religion et encens ne peuvent être séparés. L'encens brûlé durant un rituel religieux établit le lien entre la terre et le ciel, portant les prières au ciel. La fumée d'encens est chargée d'élever la prière vers le ciel et il est, en ce sens, un emblème de la fonction sacerdotale. L'usage de l'encensement, qui est universel, a partout la même valeur symbolique : il associe l'humain à la divinité, le fini à l'infini, le mortel à l'immortel.
L'encens à travers les civilisations & religionsLes mayas, bien des siècles avant que les européens ne les découvrent, se servaient d'un encens, le copal. selon leur livre sacré, le Popol-Vuh, il fut extrait de l'Arbre de Vie par une divinité chthonienne (qui est une sorte de titan venant de l'intérieur de la terre) qui offrit aux hommes, comme son propre sang, cette sève rouge qui se coagule à l'air. Pour les mayas, le copal était la résine céleste ; sa fumée se dirigeant d'elle-même vers le milieu du ciel était l'émanation de l'esprit divin.
Les égyptiens étaient passés maîtres dans l'art de préparer et d'employer l'encens. La fabrication était un acte sacré effectué lors d'un rite secret, durant lequel les pratiquants psalmodiaient des textes sacrés. Ce rite remplissait une mystérieuse fonction d'ordre et d'harmonie et chargeait certainement le produit d'une force supplémentaire, inexistante dans les produits fabriqués ou traités industriellement.
Le plus célèbre des encens égyptiens est le Kyphi. La combustion des différentes variétés d'encens formait une partie importante des rites car chaque ingrédient était doté de propriétés magiques et mystiques bien spécifiques. Lors de l'adoration du dieu soleil Râ, les égyptiens brûlaient trois fois l'encens en son honneur tout au long de la journée.
Les hindous ont toujours été de grands amateurs d'odeurs suaves et de tout temps, l'Inde a été célébrée pour ses parfums. Très tôt, ce pays importa des matières thurifères en provenance d'Arabie. Toutefois, l'emploi de substances odoriférantes telles que le benjoin ou autres gommes-résines, graines, racines, fleurs séchées et bois aux douces senteurs remonte plus loin encore. L'un des ingrédients sans doute le plus populaire et depuis toujours le plus exporté est le bois de santal.
La sybille hindou de Kush s'aide de plantes et des herbes sacrées pour atteindre cet état temporaire d'inspiration divine. Après avoir placé une étoffe sur sa tête, elle inhale leur fumée. Elle est alors saisie de convulsions et tombe inanimée sur le sol. dans cet état, elle émet ses prophéties.
Dans l'hindouisme moderne, l'emploi de l'encens est assez fréquent. le culte de Shiva recommande aux prêtres d'en brûler quotidiennement devant la statue du dieu Orissa ou sur une pierre le représentant. Devant l'image de Krishna, sont brûlés le camphre et l'encens. L'encens est, dans le rituel hindou, en rapport avec l'élément Air. Il est dit représenter la perception de la conscience qui y est partout présente.
Les nombreuses références à l'encens dans l'Ancien Testament démontrent clairement que son emploi dans le rituel juif remonte à la nuit des temps. des érudits estiment que l'encens était déjà employé dans le rituel judaïque au septième siècle avant notre ère. Une fois adoptée, cette pratique ne fit que s'amplifier au cours des siècles. Le premier encens n'était composé que de très peu d'ingrédients tels que stacte, onyx, galbanum... Sa préparation par les prêtres était considére avec le même respect que celle du kyphi des egyptiens.
La chrétienté fut lente à adopter l'encens dans ses rites. Pourtant, l'or, l'encens et la myrrhe se placent en tant que symboles de prédiction de l'être et de la vie de l'enfant jésus. Ainsi, les rois mages apportèrent de l'or pour symboliser le soleil, le père ou la force du père, ils apportèrent l'encens pour symboliser le fils, le lien entre l'incarné et de divin, le sacrifice, la souffrance et la purification et ils apportèrent de la myrrhe pour symboliser le saint-esprit, l'éternel.
Lentement, le rite de l'encens a été introduit dans les cérémonies. Son emploi est largement répandu pour les services religieux, la consécration des églises, les processions, les funérailles. L'oliban (l'huile du Liban), la myrrhe et le benjoin ont été les ingrédients les plus utilisés par les catholiques et les orthodoxes. Les protestants ont abandonné cette pratique depuis la Réforme.
Pour les grecs et les latins aussi, l'encens ne pouvait avoir qu'une origine mythologique. Selon une fable rapportée par Ovide dans ses Métamorphoses, l'encens serait né de l'union du soleil et de Leucothoé, fille d'Orchamos, roi des Perses et suzerain du pays des aromates. Aphrodite embrasa de désir l'astre impassible afin de se venger de celui-ci qui avait dévoilé ses nombreuses infidélités. Orchamos, découvrant que Phoebus était devenu l'amant de sa fille, voulut la soustraire définitivement à cette passion. A la tombée du jour, il fit enfouir la malheureuse dans une fosse profonde que l'on recouvrit de sable. Au matin, lors de son sur la terre, le soleil éperdu chercha Leucothoé; quand enfin il la retrouva, il voulut la réchauffer de ses rayons, mais il était trop tard. Alors, désespéré, Phoebus répandit sur le corps inanimé un nectar divin, en faisant à son amante cette promesse : "Malgrè tout, tu monteras au ciel". Aussitôt jaillit du sol le premier arbre à encens. D'un corps promis à la décomposition, le dieu avait fait un aromate destiné à relier le ciel et la terre...
Les romains utilisaient l'encens régulièrement avant et durant leurs sacrifices. Il fut également lié aux exécutions perpétrées sous le règne de l'empereur Decius qui persécuta les chrétiens sans répit. L'encens devint en effet le symbole du chrétien reniant sa foi, qui, pour ce faire, devait brûler quelques graines d'encens devant une idole ou devant l'empereur lui-même.
Pour les bouddhistes, l'encens servait non seulement lors de cérémonies initiatiques des moines, mais également lors de rites quotidiens du monastère et du clergé local. Offert pour obtenir l'aide des bons esprits, son emploi s'intensifie lors des festivals où des nuages d'encens emplissent l'atmosphère, à l'occasion de baptêmes, d'exorcismes et autres cérémonies. Encens et parfums forment l'une des cinq offrandes sensorielles, qui est une des sept étapes d'adoration.
Le bois de santal est l'encens de base, sous la forme de batônnets ou de grains qui sont jetés sur des charbons de bois incandescents. L'emploi de l'encens est très répandu dans la tradition tibétaine.
Pour les bouddhistes japonais, l'usage de l'encens est très courant et il a ainsi influencé le culte japonais, le shinto.
Les chinois recommandent d'en brûler avant de consulter les dieux. L'encens joue également un rôle important lors des cérémonies et des processions funéraires où il agit comme désinfectant et représente le cadeau offert au sens olfactif de l'âme en partance.
A Canton, durant la troisième semaine du douzième mois, on procède à un grand nettoyage de la maison et la fumée de trois bâtonnets d'encens chasse le démon de la pauvreté.
Pour aller plus loin:
La route de l'encens
Le roi des parfums d'Orient, l'encens
Sources:
wikipédia
Jacques Deperne (Nouvelles Clés- Automne 1994)
Extrait de l'Ecole Lyonnaise de plantes médicinales /1994
http://www.encens-compagnie.com